jeudi 21 mars 2013

Bussy-Fontaines, l'Hypertopos ... 2

Il existe des espaces dont l'utilité ou le fruit sont minimes. Créés pour l'agrément, ils ne sont guère cultivés et, par conséquent, ne peuvent être ramenés à aucune des terres de culture dont on a parlé plus haut. Ces espaces sont appelés vergers. Comme ils sont préparés surtout pour l'agrément de deux sens, la vue et l'odorat, on y a supprimé avant tout ce qui est favorable à la culture. La vue, en effet, ne se restaure jamais aussi agréablement qu'au spectacle d'une herbe délicate, fine, courte, qui ne peut venir que dans un sol maigre et dur. Il convient donc que l'espace prévu pour un verger soit d'abord bien débarrassé des racines indésirables, résultat difficile qui ne s'obtient qu'à deux conditions : dès que les racines sont déterrées, aplanir parfaitement l'emplacement et y répandre énergiquement de l'eau très chaude, pour que les racines et les graines qui restent cachées soient absolument hors d'état de germer. On remplira ensuite tout cet espace de gazon maigre à graine fine. Les mottes de gazon elles-mêmes seront frappées au moyen de larges maillets de bois, les touffes d'herbe seront foulées au pied sur le sol, jusqu'à ce qu'elles disparaissent ou, du moins, soient à peine visibles. Elles sortiront alors progressivement sous une forme fine et couvriront la surface comme une couverture verte. Il faut veiller à ce que la surface du gazon soit d'une dimension assez grande pour qu'au-delà on puisse planter en carré, dans le périmètre, des herbes aromatiques de toute sorte comme la rue, la sauge, le basilic et, également, des fleurs en tout genre comme la violette, l'ancolie, le lis, la rose, le glaïeul, etc. Entre ces herbes et le gazon, il y aura, tout au bord, en carré, et plus élevée, une autre étendue de gazon fleuri et agréable, arrangée comme une sorte de banquette, permettant aux sens de se restaurer et aux gens de s'asseoir pour se reposer agréablement. Dans le gazon situé près de l'allée, il convient de planter des arbres, ou de faire pousser des vignes dont le feuillage, constituant comme une protection, assurera à ce gazon une ombre agréable et rafraîchissante. De ces arbres on attend plus d'ombre que de fruit, aussi on ne prendra pas trop soin du trou à creuser ou de la stabilité de la plantation, car cela fait Grand tort au gazon. Il faut veiller à ce que ces arbres ne soient pas trop touffus ou trop nombreux, car l'absence de courant d'air pourrait compromettre leur bonne santé. Un verger exige donc air libre et ombre. Autre point à considérer : il faut éviter les arbres amers, dont l'ombre engendre des maladies, comme c'est le cas du noyer et de certains autres. Il faut des arbres doux, aux fleurs aromatiques et à l'ombre plaisante : vignes, poiriers, pommiers, grenadiers, lauriers, cyprès, etc. Au-delà du gazon, on aura une grande variété d'herbes médicinales et aromatiques. Elles charmeront l'odorat par leur parfum, et aussi restaureront la vue par la variété de leurs fleurs, suscitant l'admiration chez ceux qui les verront par leur extrême variété. On y introduira notamment, en plusieurs endroits, la rue, à la fois parce qu'elle est d'un beau vert, et parce que, grâce à son amertume, elle fait fuir les animaux vénéneux hors du jardin. Au milieu du gazon, en revanche, qu'il n'y ait pas d'arbres, mais que cette étendue jouisse d'un air libre et pur, car cet air est le plus sain. De plus, s'il y avait des arbres plantés au beau milieu du gazon, des toiles d'araignée allant d'une branche d'arbre à une autre gêneraient ceux qui traversent et imprégneraient leurs visages. Si c'est possible, une source très pure, recueillie par un bassin de pierre, coulera au milieu, car cette pureté procure beaucoup d'agrément. D'autre part, le jardin sera ouvert du côté de l'Aquilon et du vent d'Orient, en raison de la salubrité et de la pureté de ces vents. En revanche, il sera clos du côté des vents opposés, c'est-à-dire ceux du midi et du couchant, car ces vents sont perturbés, impurs, débilitants. En effet, bien que le vent d'Aquilon empêche les fruits de venir, il conserve admirablement les esprits animaux et protège la santé. Dans un verger, en effet, on recherche l'agrément, non le fruit.
(Albert le Grand, La plantation des vergers, XIIIe siècle)
La source au débit constant alimentant les canaux de Bussy-Fontaines  
Le canal séparant deux carrés en ile


Le Domaine de Bussy-Fontaines (d'après le cadastre napoléonien de 1822)

L'espace :
Le domaine de Bussy-Fontaines est constitué d'un château, des communs, un jardin. Le château est accompagné d'un petit jardin de style 19e. L'ensemble est entouré de douves en eau. Le jardin extérieur est composé de quatre carrés en ile, d'un ancien verger et d'une ancienne vigne clos de mur, de bosquets. L'ensemble est organisé par un cheminement de canaux en eau. L’accès principal au domaine se fait par l'entrée nord par une grande allée tracé au 19e siècle. Une porte au sud correspondrait à l'entrée historique du domaine. L'ensemble du domaine est également ponctué par une série de porte que l'on franchit pour pénétrer un espace clairement défini. L'eau est de deux sortes : les douves situées sur le bassin versant mettent à jour la nappe phréatique. Les canaux sont quant à eux alimentés par une source au débit constant. (à suivre ...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.