Je veux dire
d'abord un mot sur les cultures courantes dans le Niolo. Ce sont celles des
autres régions de la Corse d'une altitude analogue: Le canton étant jadis isolé
du reste de l’ile devait se suffire à lui-même.
Certes les habitants étaient sobres, de nourriture et de boisson, ils le sont
encore aujourd'hui. Encore leur fallait-il assurer leur existence.
Ils semaient
donc du blé et surtout du seigle jusqu'à une altitude assez élevée. Il n'est
pas rare de rencontrer d'anciennes aires à battre à 15oo et 1600 mètres d'altitude,
près des bergeries de la montagne. Mais, depuis la construction de la route,
les habitudes ont changé. On ne laboure plus aujourd'hui que dans les environs immédiats
des villages.
Parmi les
cultures caractéristiques, il faut citer le lin et le tabac. La fabrication de
la toile a presque entièrement disparu, mais de vieilles femmes ayant gardé les
habitudes d'antan persistent à filer et à tisser, en particulier de la grosse
toile pour faire des sacs et des couvertures. C'est dire que tous les ans, dans
les villages on fait encore un peu de lin.
Quant au
tabac, il s'agit de ce qu'on appelle l'herba corsa, dont l'odeur est
caractéristique. On le cultive beaucoup dans le Niolo. La saison venue, les
grandes feuilles sont étendues par terre à sécher au soleil, et aussi à la
poussière.
Il y a dans
le canton beaucoup de châtaigniers et l'on en plante de plus en plus. Jadis
leur nombre était assez limité, mais, à l'inverse du blé et du seigle, depuis
la construction de la route, le châtaignier se multiplie. Il pousse beaucoup
moins rapidement que dans la Castagniccia et, sauf à Sidossi et Casamaccioli et
les endroits bien abrités et bien exposés, il est loin d'atteindre la grosseur
qu'on lui voit dans les autres régions de l'île.
On cultive
dans le Niolo les légumes et les fruits les plus classiques, ceux des pays tempérés
à cause de l'altitude. On trouve dans les jardins les haricots, petits pois,
choux-fleurs; tomates, artichauts, etc. Les haricots de Calacuccia sont
justement célèbres dans toute la Corse par leur grosseur et leur finesse.
Quelques amandiers rappellent que le Niolo est dans une situation méridionale.
On rencontre
de la vigne dans tout le canton, même à Calasima (1100m) Ce n'est pas que le
raisin mûrisse complètement, surtout dans ce dernier village. On peut même dire
qu'il en est rarement ainsi, mais les vignerons soigneux obtiennent un excellent
vin de table. Le cépage le plus répandu est le rafaglione, qui donne un gros raisin rouge assez abondant. Mais
dans les vignes il se trouve toujours quelques pieds de muscat et de malvoisie.
A la récolte, qui n'a guère lieu avant le 10 ou 15 octobre, les grappes sont
déposées pêle-mêle dans les paniers sans distinction de blanc ou de rouge, de
muscat ou de rafaglione et les paniers
versés dans la cuve. Dans le Niolo, comme dans beaucoup de villages corses, on
foule encore le raisin avec les pieds.
(Charles de
la Morandière, Le Niolo, 1933)
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Aire à battre |
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Ciuttulu di i Mori |
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Ponte Muricciolu |
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Cima a i Mori |
"Ainsi, quand tout est détruit ou même seulement transformé
par le travail de l'homme, ce qu'il reste d'un lieu, c'est sa partie
immatérielle, la plus dure à faire disparaître, son nom." nous dit Marie-Eugène
Héraud.
Dans la très haute vallée du Niolo, région de Corse où Saint-Martin luttait farouchement contre le diable … certains
toponymes nous rappellent la présence des Maures : Ponte
Muricciolu, Cima a i Mori, Ciuttulu di i Mori … et c’est bien étonnant … Non seulement, leur présence doit
remonter à plus d’un millénaire mais la région fût anéantie en 1503 par Gênes
et le célèbre génocidaire Nicolas Doria … les récoltes et la forêt brulées, les
villages rasés, les habitants tués où déportés … On dit que le Niolo resta une
centaine d’années désertique … On ne se souvient pas des Maures au Niolo et
pour cause … Comment les noms de lieu ont-ils perduré sachant que la transmission était orale ? Je ne sais pas .... Dans
son ouvrage, notre randonneur amoureux du Niolo Charles de la Morandière, nous
rappelle la complexité de la toponymie corse « Rien de plus difficile que de faire préciser
l'appellation d'un point quelconque. Les bergers donnent en général à un
ruisseau le nom du lieu qu'il traverse. Par conséquent, ce ruisseau prend
successivement autant de noms qu'il traverse de lieux dits. C'est ainsi que le
Rudda, beau torrent cependant, s'appelle le Laccia lorsqu'il se jette dans le
Golo. D'un autre côté, des bergers m'ont donné des noms différents pour tel
rocher ou tel endroit. Enfin il est fort difficile d'appliquer une orthographe
précise à un nom qui n'a jamais été écrit... Et pourtant ...
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