Mars ...
Pour décrire en vérité et conformément à une expérience millénaire les travaux du jardinier en mars, il faut avant tout que nous distinguions soigneusement deux paragraphes :
a) - ce que le jardinier doit et veut faire et,
b) - ce que, faute de mieux, il arrive à faire.
a) Il veut absolument et obstinément : enlever les branches et découvrir les fleurs, bêcher, fumer, faire des rigoles, creuser, entre couper, ameublir, râcler, aplanir, arroser, multiplier, couper, tailler, planter, transplanter , attacher, asperger, sarcler, compléter, nettoyer, raser, chasser les moineaux et les merles, flairer le sol, déterrer les germes avec le doigt, jubiler à la vue des perce-neige qui viennent d'éclore, s'essuyer le front, s'étirer, manger comme un loup et boire comme un trou, aller se coucher avec sa bêche et se lever en même temps que l'alouette, célébrer le soleil et le ciel, tâter les durs boutons, cultiver sur ses mains les premières callosités de printemps, bref vivre largement, printanièrement, à la façon des jardiniers.
b) En fait, au lieu de tout cela, il peste, parce que la terre est toujours gelée, il enrage chez lui comme un lion en cage, tandis que la neige recouvre son jardin, il reste assis près du poêle avec un gros rhume, il est forcé d'aller chez le dentiste, il reçoit une assignation du tribunal, il a la visite d'une tante, d'un arrière petit-fils, d'une grand-mère; bref il perd son temps, journée par journée, poursuivi par tous les ennuis, les coups du sort, les circonstances et les adversités qui s'accumulent. sur lui comme de propos délibéré pendant le mois de mars; car, sachez-le, « mars est le mois où il y a le plus à faire dans un jardin, qu'il faut préparer à la venue du printemps ».
(Karel Čapek, L’année du jardinier, 1929).
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Parc de la Motte-Tilly |
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