Dans ma famille, le principe était de pas dépenser. Jamais d'argent que pour les objets absolument nécessaires, tels que les vêtements, meubles, etc., mais pas pour la table, excepté l'épicerie : le café, sucre, riz qui ne venaient pas en Corse. Tout autrement, était fourni par les terres. La famille avait un moulin banal où tous les villageois allaient moudre et qui payaient avec une certaine quantité de farine, un four banal qui se payait avec des poissons. On récoltait le vin. On apportait le lait, les fromages de chèvre, même la viande de boucherie ne se payait pas. On avait un compte avec le boucher, et on donnait en échange de la viande de boucherie tant d'équivalence en moutons, agneaux, chevreaux ou même boeufs. L'important était de pas dépenser d'argent. L'argent était fort rare. C'était une grande affaire que de payer avec de l'argent comptant. Il n'y avait à Ajaccio que deux jardins d'oliviers : l'un appartenait à la famille Bonaparte, l'autre aux Jésuites. Depuis, ils se sont multipliés. L'usage était que les proches parents, oncles, tantes, cousins germains ou grands-pères vinssent faire leur provision d'huile, lors de la récolte. Le dimanche, jour où venaient les paysans avec leurs chèvres, le fromage, le lait, etc. il y avait grande bombance qui durait jusqu'au lendemain et le surlendemain en hiver ; en été, on faisait des cadeaux aux parents des choses qui se seraient gâtées, et on aurait pas acheté de cadeaux, c'eût été mal vu. La famille récoltait également du vin. Elle tenait à honneur de n'avoir jamais acheté ni pain, ni vin, ni huile .
(Napoléon Bonaparte, Cahiers de Sainte-Hélène, 15 février 1821).
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