Nous sommes les enfants des étoiles et de la nuit. L’espèce humaine a évolué sous une tapisserie stellaire étincelante que ne voilaient pas encore toutes les formes de pollutions industrielles et lumineuses que nous avons inventées récemment. Imaginons nos ancêtres. Imaginons-les, où qu’ils se trouvent, plongés dans la contemplation de la voûte céleste, dans l’observation insatiable des mouvements des astres. Qu’auraient-ils pu faire d’autre que de projeter leurs rêves, leurs espoirs, leurs peurs aussi, sur cet écran scintillant ? De ces îlots de conscience humaine dispersés dans un monde aux dimensions inconnues sont nés des religions et des mythes dans lesquels certains astres, les plus lumineux, bien sûr, le Soleil, la Lune, mais d’autres aussi, d’éclats plus modestes, comme Vénus ou les Pléiades, ont joué des rôles de premier plan.
Derrière l’apparent chaos d’un ciel qui apportait inondations, tempêtes et sécheresses au même titre qu’éclipses, comètes et nouvelles étoiles, nos ancêtres décelèrent des rythmes, des cycles, de l’ordre. Ils inventèrent les nombres et les concepts nécessaires pour rendre compte des apparences du Monde et tenter de l’expliquer. Ainsi, l’évolution culturelle de toutes les civilisations a-t-elle été intimement liée à l’observation des phénomènes célestes, suivant en cela des millions d’années d’adaptation du corps humain aux caractéristiques physiques de la Terre.
Aujourd’hui, l’intimité avec le ciel et la nature que nos ancêtres avaient développée n’est même plus concevable. Les images satellitaires de notre planète montrent l’envahissement de la nuit par les lumières artificielles et ceux qui habitent dans ou à proximité des villes peuvent vivre et mourir sans avoir jamais vu ce qui faisait partie du quotidien il y a seulement deux ou trois générations: les étoiles, la Voie lactée, les comètes. Nous passons l’essentiel de nos soirées à l’intérieur, devant un écran, inconscients de la beauté et des interrogations qu’a pu faire naître le ciel au cours des âges passés.
Pourtant, la beauté du ciel est d’autant plus forte que nous en connaissons la face cachée, tout ce que nous ne voyons pas directement à l’œil nu, mais que la recherche en astrophysique et les instruments terrestres ou spatiaux nous ont appris. Bien sûr, en regardant entre les constellations du Sagittaire et du Scorpion, vous ne verrez pas directement le trou noir géant qui dévore les étoiles au centre de notre Galaxie, mais connaître son existence vous fera regarder cette zone de la Voie lactée avec un autre œil, avec une connivence intellectuelle qui enrichira votre expérience visuelle. Alors, laissez votre imagination briser la sphère étoilée qui nous enserre et voguer parmi les supernovæ, les trous noirs, les nébuleuses et les galaxies. L’observation du ciel reste l’une des plus simples et des plus riches expériences que chacun peut vivre; elle implique tous les sens, elle mobilise l’intelligence, la connaissance et permet à chacun de renouer un lien intime et précieux avec le cosmos.
(Guillaume Cannat, Autour du ciel, 2016)
Le Pavillon des sept étoiles - Parc D'Enghien -18e siècle |
Parc d'Enghien - 1775 |