lundi 30 décembre 2013

Le Nôtre en perspectives ...

« Inconnu illustre » : ainsi, en l’an 2000, le colloque réuni à Versailles à l’occasion du tricentenaire de sa mort désignait-il André Le Nôtre ; désormais, l’exposition consacrée au jardinier de Louis XIV l’interdira. Restituant les résultats de quinze années de recherches menées par Patricia Bouchenot-Déchin dans les archives et de plus de vingt années sur le terrain par Georges Farhat, l’exposition répond à bien des questions qui se posaient alors sur la personnalité, le génie et l’héritage du plus célèbre des jardiniers.
Le titre « Le Nôtre en perspectives » suggère tous les points de vue abordés. Il s’agit bien entendu des perspectives géométriques, de ces grands axes qui donnent leur ampleur aux jardins ou de ces échappées secondaires qui offrent au regard du promeneur des plaisirs sans cesse renouvelés. Des perspectives temporelles également, que révèle une trajectoire personnelle insoupçonnée : une ascendance et un réseau de trois générations d’officiers du roi, une carrière plus précoce que l’on ne pensait, une position sociale considérable, une envergure intellectuelle dont témoignent autant la diversité de ses compétences que la qualité de ses collections d’art... Et encore une postérité multiforme, sans éclipse jusqu’à nos jours, où certains parmi les plus grands architectes et urbanistes du monde se réclament de Le Nôtre et de sa façon de penser l’espace…

 (
Beatrix Saule L'Exposition, 2013)

PLAN D'UN JARDIN DESSINÉ PAR CHARLES CARBONNET  AVEC LES INSTRUCTION D'ANDRÉ LE NÔTRE
Après avoir dit du mal tous ces derniers mois de cette Annus Horribilis Le Nôtre, je termine par une pub pour l'exposition Le Nôtre en Perspectives .... Aucune constance ce type !! Non en fait, je persiste et signe, c'est bien une année noire, mais cette exposition apporte un peu de lumière dans ce paysage bien sombre ...  Allez y, c'est intelligent, savant, émouvant et très beau ... une vraie expo quoi !!!

jeudi 26 décembre 2013

Le French microclimat ...

Il est aisé de souhaiter un lieu aux champs accomply de toutes commoditéz cest à dire qu'il soit beau et bon, ou le Ciel et la Terre s'accomodent ensemble pour faire un beau & bon Climat, mais d'autant que Dieu veut que l'homme se contente des lieux quil luy a donnez, il est raisonnable que les prenant de sa main tels qu'ils sont il s'en servît le mieux qu'il lui sera possible taschant par artifice et dilligence suppléer aux deffauts qui se rencontrent. Je suis d'advis que ceux qui ont des Jardins s'y plaisent en quelque Climat que ce soit et se contentent de leurs honnestes facultez, et ne rejetter les incommoditez, parce que le bon Jardinnier peut remédier ou il verra que la nature manquera y apportant l'artifice de Science expérience et dilligence dont le fondement est la bénédiction de Dieu qui récompense en lieux le travail du jardinnier non négligent.

(Claude Mollet, Théâtre des plans et jardinages contenant des secrets et des inventions incognuës à tous ceux qui jusqu'à present se sont meslez d'escrire sur cette matière, avec un traicté d'astrologie, propre pour toutes sortes de personnes et particulièrement pour ceux qui s'occupent à la culture des jardins, 1652)

Vue et perspective du Jardin potager de Versailles fait par Aveline avec privilège du Roy - XVIIe siècle

L'organisation des murs à pêche de Montreuil - IGN 1921


Le parterres en creux du Château Dauphin à Pontgibaud

Les parterres entourés de hêtrilles* à Cordes près de Orcival en Auvergne
Hêtrille : palissade en  Hêtre
Charmille: palissade en Charme
Les clos masures sur trois rangées du domaine de bailleul - XVIIIe siècle
Les clos masures de Bailleul de nos jours 
notez l'échelle et les distances de plantation

Un microclimat désigne des conditions météorologiques d’une zone géographique réduite qui diffèrent du climat général... Une collègue, allemande, me dit un jour " les français et leur microclimat" ... Elle a bien raison, je ne l'avais jamais remarqué, et pourtant, nous jardiniers, sommes souvent en première ligne ... 

Un Normand me demande : "Tu crois que je peux planter un olivier chez moi ? " 
Je réponds "N'est-ce pas un peu humide ? En Normandie ? Pour un Olivier ?" 
"Mais non, ailleurs en Normandie oui, mais chez moi il ne pleut pas, c'est un microclimat" ??? Je dois avoir à peu près ce type de propos en Alsace, en Charente, en Picardie et je ne parle pas de la Bretagne ...
Dans certains coins d’Auvergne, ils ont des microclimats qui font froid dans le dos " Chez nous coco deux saisons : l'hiver et le 15 août" ... Ouf!!! Le Corse que je suis, se marre bien ... Le seul climat digne de ce nom est le climat méditerranéen, c’est évident ... le reste c'est du mauvais temps ... Bien que, dans ma région de Corse, le Niolo, nous avons nous aussi un microclimat ... les gens de la côte nous disent "Vous êtes bien La Haut, il fait frais ..." 
La création de microclimats artificiels dans les jardins est bien la preuve que notre amie allemande n'a pas tout à fait tort ... voire franchement raison ...  Pourquoi créer un microclimat artificiel si l'on bénéficie déjà un microclimat naturel ?? J’ai mis ici en photo parmi les plus spectaculaires : Les murs à pêches de Montreuil, le potager du roi à Versailles, les parterres de Pontgibaud et de Cordès et peut-être mon préféré : les clos masures du domaine de Bailleul dans le pays de Caux. Des gigantesques brise-vents composés de hêtres … certains sont écartés de 90 centimètres … Les hêtres ne subissent pas l’effet de la concurrence et poussent droit comme des charmes (jeu de mots).
Les plans anciens montrent trois rangées, j’en ai comptées deux à Bailleul. Était-ce gérable à trois rangées ??? Est-ce gérable à deux rangées ??? Si, par malheur, une brèche se crée dans le dispositif, le colmatage est périlleux … Nous sommes ici dans une gestion d’ensemble et non dans la gestion d’une somme d’individus ... comme pour les alignements. En regardant ces clos-masures, je ne peux m'empêcher de rire en pensant que certains préconisent encore d’écarter les arbres pour leur bien-être … ils ne sont jamais allés en Pays de Caux … où il ne pleut jamais d’ailleurs ... et vous savez pourquoi …

lundi 23 décembre 2013

Gaston Lenôtre et André Le Nôtre ...

Les divertissements scéniques et musicaux qui animaient les repas au Moyen Âge furent remplacés à la Renaissance par des éléments de pure décoration posés sur la table : pâtés en croûte simulant des oiseaux, sujets pour célébrer un événement et même des automates. Au XVIIIe siècle, d’élégantes architectures miniatures les remplacent. C’est pendant la première moitié du siècle que se fixe le code de la table « à la française » de même qu’aux jardins ordonnés on attacha l’expression « à la française ». Le parallèle entre les jardins classiques et l’art de la table est évident et par un singulier mimétisme on vit la table se couvrir de parterres de sucre, de pavillons et balustrades de carton ou de pastillage, de statues de porcelaine et d’argent, d’arbres de papier, de fleurs de soie. Afin de distraire les convives notamment, pendant les changements de service, ces parcs miniatures s’animaient et ils pouvaient même voir couler l’eau des fontaines et s’embraser des feux d’artifice. Seul le « dormant », plateau central en bois recouvert de miroirs demeurait en place pendant tout le repas. Les ouvrages de Menon, Les Soupers de la cour, 1755 et La science du maître d’hôtel confiseur, à l’usage des officiers de (bouche), 1776 fournissaient les modèles nécessaires pour tracer un décor en sucre analogue aux broderies de jardins. Le sucre coloré du décor dit « sablé » imitait le sable de couleur des plates-bandes bordées de buis, tandis que la technique du pastillage, pâte de sucre sèche destinée à être moulée permettait de réaliser les fleurs, les colonnes, les treillages et les statuettes. Les figures destinées aux jardiniers et celles pour les confiseurs pâtissiers utilisent pour leurs légendes un vocabulaire identique, on y retrouve des parterres, bordures, balustrades, piédestaux, buttes de terre et gazon. Au dernier service, du dessert, des fruits, frais ou confits, viennent s’ajouter au décor, ils sont montés en pyramides ou dressés dans des verres à pied appelés gobichons 
(Marie-Noël de Gary, Du jardin aux arts décoratifs : les parcs et jardins source d’inspiration aux XVIIIe et XIXe siècles, journée d’étude de rendez-vous aux jardins, 2012)

Jardin à la française par Lenôtre et Le Nôtre
Ce gâteau du pâtissier Lenôtre dit "jardin à la française" pour commémorer la bien triste année André Le Nôtre est sans conteste la plus belle réalisation de l'année en matière de restitution de jardin 17e (siècle) ... Contrairement à ce qui a été fait ailleurs ce "petit jardin" fera au moins des jardiniers (gourmands) heureux en ces temps de fin d'année... enfin ! je l'espère ...

Bonnes fêtes à tous ... 



jeudi 19 décembre 2013

Gardening and Farming in USA ... ...

Buist Seed Company
Buist's Garden Guide and Almanac 1898 , 1898


Ellwanger & Barry's Mount Hope Nurseries
General Catalogue of Fruit & Ornamental Trees, Rose, Etc. , 1894
Harman & Sons, Seedsmen Years Work in the Garden , 1895

Peter Henderson & Co. Everything for the Garden, 1913
D.M. Ferry & Co. Seed Annual 1908 , 1908


Peter Henderson & Co. Bulbs, Plants, Seeds , 1892
Iowa Seed Co. 29th Annual Catalogue , 1899
Ross Bros. Co. Farm and Garden Supplies , 1910
Joseph Harris Co.  Harris' Rural Annual , 18??
Parker and Wood
Seeds, Plants, and Bulbs , 1892
Jessamine Gardens
Rare Florida Flowers and Fruits , 1898
J. Steckler Seed Co., Ltd.
Garden Manual 1899 , 1899
F. Barteldes & Co.
Price List and Descriptive Catalog , 1898
The Livingston Seed Company
Livingston's Seeds 1899 Annual , 1899

E.L. Sturtevant's Catalogue of Rare Water Lilies , 1881

Wm. Elliott & Sons - Seeds , 1910
Peter Henderson & Co. Everything for the Garden, 1913


lundi 16 décembre 2013

La Tempète du 26 décembre 1999 ...

(…) tout ce qu'il y a de plus beau et de plus agréable dans un Jardin : ce sont les Bois et les Bosquets qui en font le plus grand ornement : c'est dans ces lieux couverts qu'on peut se promener à l'ombre, même en plein midi. On peut donc convenir que l'essentiel d'un Jardin ce sont les Bois, et qu'une Maison de campagne qui en est dénuée, manque dans une de ses principales parties.
(Antoine Joseph Dezallier d’Argenville. La Théorie et la pratique du jardinage,1709)

Champs-sur-Marne - Ouverture des allées et résidus de coupe fermant les bosquets

Champs-sur-Marne - Régénération des Bosquets
Champs-sur-Marne - Avant-après ... 
Un avant-après que j'aime beaucoup. Après la tempête on a opté pour garder le séquoia de droite espérant le voir réitérer, c'est toujours un plaisir de le voir construire une nouvelle cime.

Travelling sur palissades de Champs-sur-Marne il y a quelques semaines

Les séquoias il y a quelques semaines à Champs-sur-Marne et les étudiants du Master "Jardins historiques, patrimoine et paysage"


 Celui qui se souvient des bois, bosquets et groupes d'arbres de Champs-sur-Marne en garde un souvenir ému. C’était sauvage et maitrisé, c’était magnifique. Le lendemain du 26 décembre 1999, il n'y avait plus rien... La reconquête du parc est devenue l'obsession des jardiniers de Champs ... Il fallait ouvrir les allées … dans cet empressement à vouloir dégager les circulations, on a fermé les bosquets en repoussant des résidus de coupe vers les bords …  une bien belle bourde … et un bien bénéfique pour ces bosquets. Ces résidus de coupe, en empêchant un accès trop rapide dans les bosquets, ont permis à une régénération naturelle de s'y installer. Jean-Luc Dargent, le jardinier en chef, a géré cet après tempête et il nous a bien maudit. Il a passé un temps fou à dégager ce bazar. La gestion qu'il a appliquée est exemplaire. Reconstruire le parc en collaboration avec ce que nous donne la nature. Les images parlent d'elles-mêmes ... Mais un mot sur la méthode … On attend, on observe, on analyse le potentiel de chaque bosquet … ce qu’on appelle la dynamique végétale ou plus poétiquement on observe ce que nous offre la nature… Ensuite, on applique une gestion forestière adaptée… En matière de jardin et d’après tempête, vous avez sous les yeux la gestion la plus intelligente de ces 15 dernières années. Reconstruire un parc, non pas avec de l'argent venant des quatre coins du monde, ... mais reconstruire un parc avec du savoir-faire, de l'intelligence, de la volonté et de la sueur. Bref! Le vrai travail du Jardinier. Il y a autre chose … Ici, aucun engin lourd n’a pénétré dans les bosquets préservant ainsi les sols. Les souches et les troncs restant à l'intérieur des bosquets finiront par pourrir. Une végétation (spontanée et subspontanée) s’est développée. Jean-Luc Dargent et son équipe ont sélectionné, dépressé et formé cette végétation …. Nous somme exactement dans cette collaboration avec la nature tant préconisée par Gilles Clément… Si vous cherchez un jardin cohérent avec la politique de développement durable actuelle ... vous irez à Champs ... Il est amusant de voir ces palissades "au naturelle" ... comme quoi, travailler avec la biodiversité s'applique aux jardins réguliers et peut donner autre chose qu'une prairie non fauchée ... Le miracle réalisé par Jean-Luc Dargent est d’avoir, tout en restaurant son parc, gardé le sauvage et le maitrisé …si vous voulez mon avis… C’est du grand art de paysage, c’est du grand jardinage … Si jamais certains d'entre vous trouvent que cela n’est pas très propret ... qu'ils aillent se faire voir ailleurs, le parc de Champs et la gestion de notre ami Jean-Luc sont bien trop subtiles pour eux...

Champs-sur-Marne - Tempête de 99 ... l'enseignement ... Jean-Luc Dargent de dos, jardinier en chef de Champs-Sur-Marne, expliquant aux étudiants du Master 2 "Jardins Historiques Patrimoine et Paysage", la gestion de la tempête de 1999.


jeudi 12 décembre 2013

Les Duchêne par Ernest de Ganay, l'historien hagiographe ....

Henri et Achille Duchêne son fils – Mais tandis que les architectes de jardins continuent à composer soit des ensembles paysagers, soit des jardins mixtes suivant la formule courante, voici qu'apparaît, avec l'architecte Henri Duchêne, dans les dernières années du XIXe siècle, aux domaines fastueux appelés à revivre dans leur ancienne splendeur, le renouveau des jardins à la française du XVIIe siècle. Dès lors, c'est la restauration — la première en date des grands ensembles de l'époque « classique » — des parterres et des cascades de VAUX-LE-VICOMTE (celle-ci commencée d'ailleurs par l'architecte Laîné). Après quelques tâtonnements, où se retrouvait la trace des jardins réguliers du second Empire (mosaïculture, corbeilles en relief, vases ou groupes au cœur des pelouses, etc.), l'art s'épure, retourne à ses sources classiques, rigoureusement, et même au-delà, exagérant l'orthodoxie, puisque les parterres de broderie obéiront à une planimétrie absolue, tandis que Le Nôtre se plaisait à leur donner du relief, du « mouvement » par maint arbuste, maint végétal taillé, rythmant ses compositions, les agrémentant pour éviter la monotonie. (Il est vrai que, de son temps, les parterres étaient destinés à être vus de « l'étage noble » [premier étage], tandis que, de nos jours, ils se contemplent du rez-de-chaussée.)

Voisins

Les réussites d'Henri Duchêne, le père, auquel s'associa dès la fin du XIXe siècle, Achille Duchêne, son fils, sont multiples. Les Duchêne restaurèrent, ou plutôt rétablirent superbement les parterres de CHAMPS qui avaient été complètement effacés. Puis Achille Duchêne attacha son nom, qui restera fameux, à quantité d'autres restaurations; ou à des créations de première ligne : Le Marais, Breteuil, Maintenon, Courances, Baillon, Rosny, Saint-Georges-Motel, Condé-sur-Iton, Langeais, parmi tant d'autres, et enfin les belles créations de Voisins, en Ile-de-France et de «Lou-Sueil », au-dessus d'Eze, sur la côte d'Azur— sans compter nombre de jardins à l'étranger, dont nous n'avons pas à nous occuper ici.

Lou-Sueil

La science d'Achille Duchêne s'est toujours montrée impeccable; non seulement on ne saurait lui attribuer aucune erreur — ni de faute de goût bien entendu —, mais encore faut-il admirer ce sens si averti qu'il a témoigné de l'art du passé, que cependant il se gardait bien de copier servilement : il l'appelait seulement au service d'une restauration sans défaut. Il ne faudrait pas croire, en effet, que ce grand artiste fût un pasticheur; dans plus d'un jardin, il a su interpréter comme il convenait l'art régulier en l'adaptant au temps présent, et ses plus belles réussites, dans cet ordre, furent les aménagements si habiles de Saint-Georges-Motel (avec la rivière pittoresque qui dérive d'une pièce d'eau régulière sans qu'il y ait la moindre « rupture d'harmonie », suivant l'expression qu'employait volontiers Duchêne), et ce jardin de Mme Dupuy, à Versailles, la "Maye", où s'étend, dans une de ses parties, le plus raffiné des parterres, pelouse régulière bordée de touffes d'hortensias bleus, rythmant la surface gazonnée, sans compter les autres cantons de ce jardin de qualité, tous variés et heureusement accomplis.

Déjà, Henri Duchêne, ouvrant la voie nouvelle, celle du retour au jardin traditionnel de chez nous, était revenu à la conception des jardins de Louis XIV  "dans lesquels les végétaux ne sont pas considérés uniquement pour leur caractère individuel, mais comme matière malléable et modelable, au même titre que la pierre ou le bronze. Il dessine — édifie, peut-on dire —, modèle un parterre d'architecture avec les mêmes matériaux qu'au XVIIe siècle, dans une grande majesté d'ordonnance avec sa décoration d'arbres taillés et d'œuvres d'art. " (Gibault.)

Son fils, Achille Duchêne, dûment formé à l'école de ce dernier, ne pouvait que continuer à travailler selon ces préceptes; nous dirons même qu'il y apporta son génie propre, inscrivant sur le sol de la France le vrai visage que doivent avoir les jardins de chez nous, traditionnellement.

Il n'admettait le style paysager que sur de très grands espaces. Pour donner l'illusion d'un morceau de la nature vraie, « plus la manière est naïve, disait-il excellemment, plus on a de chance de ne pas tomber dans une parodie de la nature ». Et encore : « l'on est perdu si l'on devient savant » (dans l'art paysager). Et sa diatribe se donnait libre cours contre les lignes courbes adossées au château, les lignes de vues accentuées par des corbeilles exhaussées sur les côtés, les pelouses et les mamelons surmontés de groupes d'arbres aux essences variées, pour former « carte d'échantillons des pépiniéristes », les inévitables pièces d'eau décorées de rochers, etc. « Cette conception, concluait-il, du genre joli ne peut constituer un art. » Plus on demeure simple, et plus le parc paraîtra naturel et grand. Pas de pièce d'eau qui sente la main de l'homme. Etablir un parterre initial devant la maison (Mortefontaine); faire des allées larges grandes courbes aussi peu nombreuses que possible, et que chaque allée soit justifiée, etc. Adapter le jardin a son usage. Et sa mise en application se discerne dans celui qu'il établit a l'ancienne ambassade d'Autriche (Présidence du Conseil actuelle), rue de Varenne, disposant — du temps de l’ambassade, avant la guerre de 1914 — pour ainsi dire des « coulisses » rythmées de chaque coté de la pelouse, pour les réceptions en plein air, formant comme autant de bosquets ouverts, destines a la conversation, aux goûters, et aux orchestres. Dans la formule de l’art paysager, Duchêne a exécuté de beaux ensembles, tels que Bois-Boudran, Chambly, La Francport, Laversine, La Boissiere, Vaux-le-Pénil, etc.

Duchêne a publie un recueil ou l'on rencontre quelques-unes de ses œuvres: Jardins d'hier et d'aujourd'hui, de demain, et ce titre montre assez qu'il a ouvert la voie a un jardin régulier nouveau, d'aspect moderne; ses suggestions seront a la base de toute une école actuelle.

Puis, de nos jours, se sons distingues, hier, l'art aussi sûr qu'ingénieux de Louis Decorges, a Valesnes, a l'Orfraisière, a la Bourdaisière, a l'hôtel de Joyeuse a Amboise (restitution), etc., et, aujourd'hui, la manière raffinée des frères André et Paul Vera (Saint-Germain, Honfleur, etc.), influencée par les anciens parterres de la Renaissance; l'art bien moderne, mais puisé néanmoins aux sources classiques d'Albert Laprade, aux élégantes imaginations, d'un goût toujours très sûr; la recherche constante de lignes nouvelles de J.-C. Moreux, etc.

(Ernest de Ganay, Les jardins de France et leur décor, 1949 - (A la mémoire de mon regretté et admiré maître en jardins Achille Duchêne (1866-1947) )

mercredi 11 décembre 2013

Une Jardinier(e) voyageuse ...

Au début des années 1880, j'ai acquis un terrain d'environ sept hectares, dans le sud-ouest du Surrey, pour y faire construire ma maison. Il s'agit d'une parcelle presque triangulaire, dont la base se trouve au sud, et qui descend en pente très douce vers le nord-ouest. À cet emplacement, se trouvait une forêt de pins sylvestres et de marronniers dont quatre hectares et demi ont été défrichés pour permettre la création du jardin d'ornement. La pointe supérieure du terrain, dont la terre sablonneuse n'était pas très fertile, a dû être amendée pour accueillir le potager. Au milieu du terrain se trouve la maison, entourée par une pelouse, des arbustes et des fleurs. Une partie du terrain, gagnée sur la forêt de pins, a été laissée presque sauvage pour qu'elle s'étoffe de repousses spontanées de jeunes pins, de bouleaux, de houx, de chênes, de frênes et de marronniers. Mon premier souci a consisté à les déplanter pour les rassembler en groupes d'espèces identiques. Au milieu de ce jardin sauvage, j'ai créé une clairière d'azalées et de bruyères. Quarante ans après sa création, je pense que mon jardin arrive enfin à maturité. Sous les arbres, des parterres de muguets et de digitales blanches ont colonisé l'espace libre. 
(Gertrude Jekyll, Propos sur le jardin, 1927)
Elise ?, Laurence en action, 2011
Laurence est jardinier ... je n'aime pas le mot "jardinière", ça fait potiche ... C'est pourquoi j'aime beaucoup ce dessin. Il montre, pour une fois, une femme dans l'exercice de ce métier ... de la terre, une pelle, une brouette, un tracteur, un jardin ... Laurence a travaillé en Angleterre, en France... Elle est maintenant jardinier aux jardins de Schwetzingen en Allemagne ... sacré nana ...

lundi 9 décembre 2013

Lothar, Chablis, Volis et Faux Ventis ...

Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps,
Le beau temps me dégoute et me fait grincer les dents,
Le bel azur me met en rage,
Car le plus grand amour qui me fut donné sur terre,
Je le dois au mauvais temps, je le dois à Jupiter,
Il me tomba d´un ciel d'orage.
(Georges Brassens, L'Orage, 1960)


La tempête du 26 décembre 1999 vue par Météosat
Le domaine de Champs quelques jours après la tempête du 26 décembre 1999
Le domaine de Champs quelques jours après la tempête du 26 décembre 1999
Le domaine de Champs quelques jours après la tempête du 26 décembre 1999
Le domaine de Champs quelques jours après la tempête du 26 décembre 1999
Je pourrais dire comme les anciens de 14-18 ... La tempête de 1999 à Champs "j'y étais" et à l'image du texte de Georges Brassens,  ma grande histoire d'amour avec Champs commença ce jour là et "me tomba d'un ciel d'orage". ... A Champs, c'est simple, tout était par terre ... Des milliers d'arbres en chablis (déracinés) en volis (cassés en deux) nous avons eu toute la gamme.... J'ai vu des jardiniers, des durs à cuire, pleurer comme des Madeleine, j'ai vu des jardiniers incapables de se repérer précisément dans le jardin, ils disaient des phrases incroyables " je ne sais plus où se trouve l'allée !!!!" ... J'ai vu aussi  l'Exploit et là, il faut que je témoigne ... Ce que je vais vous raconter est un fait de guerre et une magnifique démonstration de savoir-faire... Le héros est Gilles Lebobe... je vous en ai déjà parlé, ce jardinier-forestier-bosquetier hors pair ... Nous sommes, depuis ce 26 décembre 1999, en train d'essayer de redonner un semblant de vie à ce parc de Champs... Nous déblayons, nous tronçonnons, nous abattons, nous débardons, etc ... Un jour, dans le bas du parc, nous nous trouvons face à une grosse problématique : Trois arbres arrachés sont en appui sur un quatrième encore debout et forment une pyramide. Sans matériel de débardage digne de ce nom, comment traiter ?  Gilles Lebobe me propose l'incroyable ...  "si t'es d'accord, j'abats celui qui est encore debout " ... Je suis responsable de ce chantier, de la vie de ces jardiniers et un type me dit qu'il va abattre quatre arbres d'un seul coup (des gros comme sur la photo). J'ai une confiance (et une admiration) sans borne pour Gilles ... Après maintes moues, grimaces et raclements de gorge, je finis par répondre inquiet "Ok mais ne fais pas le con" ... et là, il est magnifique, prend sa tronçonneuse, observe les quatre arbres,  concentré, son visage a changé, il tourne dans un sens, puis dans l'autre, regarde vers le ciel ... quand on ne connaît pas Gilles Lebobe, on pense qu'il panique, qu'il se dégonfle, qu'il ne sait pas ce qu'il fait ... Au contraire, cette observation du houppier (des houppiers) est la construction mentale de l'intervention ... d'un seul coup, il démarre la tronçonneuse, ne regarde plus le houppier, se concentre sur la coupe, cette coupe qui dirigera vers le sol les quatre arbres, il sent que ça va céder, se retire tranquillement en coupant le moteur de son engin, ne quitte pas du regard l'entaille, et dans un silence bien caractéristique suivi d'un bruit effroyable, les quatre arbres se retrouvent par terre ... Champion du monde Gilles Lebobe.

PS : je conseille vivement le lecteur de ne pas tenter d'imiter Gilles Lebobe ...

La taille au croissant, l'art de la coupe et le geste inimitable de Gilles Lebobe 

jeudi 5 décembre 2013

Calendrier du Bon Jardinier de 1947 : Décembre ...

Le Calendrier du Bon Jardinier de 1947 est signé Eugène Laumonnier et Maurice Marcel


Décembre, début de l'année et de l'hiver météorologique, est généralement dans nos régions
un mois brumeux, présentant quelquefois des journées claires et ensoleillées.
Quelques floraisons viennent égayer le jardin, l'Héliotrope d'hiver (Petasites fragrans Presl.) et le Saxifrage à feuilles épaisses (Saxifraga crassifolia Linné). La période des grands froids arrive quelquefois dans la dernière décade, les praticiens doivent être prêts pour protéger les récoltes et les plants pour l'année prochaine.

Potager

Travaux Généraux
 Transport des engrais et exécution des labours si le temps le permet. Visite et aération des silos, caves et resserres à légumes. Montage, lardage et gobetage de meules à Champignons. Surveillance de l'eau d'alimentation des cressonnières pour éviter la congélation.
Semis sur couche
 Carottes et Radis à forcer, cette saison est généralement contreplantée de Laitue Gotte. Semis sur couche tiède de la première saison de Poireau à repiquer en mars ; aérer fréquemment. En côtière, semis sous châssis froids des Pois nains à grain rond.

Forçage
Semis et empotage de la deuxième saison de Melons en bâches chauffées. Taille et décorticage des Vignes de première saison. Montage de couches à Melons dans les bâches de fructification (0.60 d'épaisseur). Chauffage modéré des  premières saisons de Vignes (15°) et de pêchers (8°); deux bassinages par jour. Traitement des Vignes et Pêchers aux huiles blanches formolées. Labour au trident des serres à forcer Terminer le remplacement des arbres. Chargement des couches à Melons avec le mélange terreux préparé en octobre (0,18 d'épaisseur) Semis en bâches et en pots de la troisième saison de haricots verts. Rentrées successives de Fraisiers en pots. Terminer la pose des coffres et des châssis sur la culture hâtée de Fraisiers, les entourer d'un bon accôt de feuilles. Continuer le forçage de l'Asperge blanche et verte. Semis et plantation en serre de la deuxième saison de Concombres. Premier semis et repiquage de Tomates hâtives pour culture en bâche et en pots.
Renouveler les réchauds de la couche d'hiver des Ananas; maintenir dans la bâche de fructification 180 à 20° et 25, de chaleur de fond. Diminuer ces températures de 4 à 5° pour le compartiment de 2e saison.
Surveiller la maturité des fruits d'hiver en ralentissant les arrosages. A la fin du mois, empotage en pots de 0,20 d'une première série de Pommes de terre pour rentrer dans les serres à Pêchers.

Fruitier et verger.
 Continuer et terminer les plantations avant les grands froids. Avancer autant que possible la taille des arbres fruitiers souvent interrompue par le mauvais temps. A partir de la troisième décade commencer les traitements d'hiver des arbres taillés. Ramassage soigné des feuilles dans les carrés fruitiers et destruction par le feu pour éviter la propagation de la Tavelure. Visites fréquentes au fruitier et à la chambre à raisin en observant ce qui .a été dit à ce sujet les mois précédents.

Pépinières.
 Arrachage et enjaugeage d'arbres fruitiers. Arrachage, triage, habillage et mise en jauge des plants de Cognassier de Fontenay, Paradis jaune de Metz et noir de Vitry. Défoncement et nivellement des carrés déblavés. Nettoyage des rigoles d'assainissement. Préparation et transport de composts.

Déblavés :  Enlèvement des récoltes 

Jardin d'agrément.

Travaux de pleine terre .
 Continuation de la mise en état du jardin, des labours, des défoncements, de la préparation des composts, de la taille des arbustes et plantes quand il ne gèle pas. Des feuilles sont réunies à proximité des châssis, car les grands froids surviennent surtout en janvier.
Serres Baches et Orangeries
 En serre froide et en orangerie veiller à ce que la température n'y descende pas au-dessous de + 3°, une bonne température sera de + 5° à 10°; s'il y a un peu de soleil, aérer afin de renouveler l'air et chasser l'humidité, mais refermer les châssis ouverts avant la disparition du soleil afin d'emmagasiner la chaleur. Peu arroser et tenir les plantes en constant état de propreté.
En serre chaude ne pas laisser baisser la température au-dessous de+ 100, de préférence + 14°. Renouveler l'air chaque fois que ce sera possible, arroser les plantes qui poussent, mais s'abstenir de mouiller celles qui sont en repos ou en demi-repos. Biner le dessus des pots, en enlever la mousse, éplucher les feuilles mortes. Si le soleil brille et qu'il gèle dehors, bassiner entre 10 heures et midi pour que l'humidité soit dissipée à la nuit tombante.
Continuer le forçage des plantes fleuries Oignons à fleurs : Azalées de l'Inde, Lilas, Muguet, Rosiers, etc... Les saisons se succèdent pour assurer une floraison suivie et régulière. En fin de mois, mettre en végétation en serre chaude, les pieds-mères de plantes molles : Achyranthes, Anthémis, Coleus, Fuchsia, Héliotrope, etc...

Fin ...

Arrivés à la fin du Calendrier du jardinier, qu'il nous soit encore permis de donner la manière de s'en servir. Chaque jardin, qu'il soit : Potager, Verger, Fruitier, Roseraie ou Parc paysager, de par sa situation géographique, constitue ce que l'on peut appeler un micro-climat. Pour en tirer tout le profit possible, on ne peut que recommander au praticien de tenir un petit registre journal de ses opérations culturales et du temps qu'il fait. Après chaque semis ou plantation on laissera quelques lignes en blanc pour noter ultérieurement le résultat. En comparant cette comptabilité spéciale le jardinier arrivera au bout de peu de temps à conduire ses cultures avec le maximum de succès que la nature peut lui octroyer.

(Eugène Laumonier et Maurice Marcel 1947)


Kalila wa Dimna  vers 1350 
(aucun rapport avec le texte mais je trouve ça tellement beau ...)

lundi 2 décembre 2013

Le jardin de Château-Dauphin à Pontgibaud ...

"Je passais à Pontgibaud, où j'allais saluer en passant Madame de La Fayette, et fus une demi-heure dans sa salle... Le jardin petit, quarré, où les allées sont relevées bien de 4 ou 5 pieds : les carreaux sont en fons, où il y a force fruitiers et peu d'herbes, les côtés desdicts carreaux ensein enfoncés, revêtus de pierre de taille."
(Michel de Montaigne, Journal, 1580)


Le château Dauphin de Pontgibaud et le premier carré en creux
Les cinq carrés en creux de Pontgibaud
L'Auvergne est la région des jardins dignes de ce nom ... des vrais, des solides, des rustiques, des magnifiques, des scientifiques... Que ce soit Hauterive, Randan, les Bordes, Avrilly ou  Cordès ce n'est jamais banal et pour la plupart, ce sont des jardins signés ... Le Nôtre, Büller, Duchêne, Fontaine ... Les jardins de Pontgibaud eux sont décris par Montaigne et sont, à ma connaissance, uniques. (Au monde ??)  Une organisation primitive de jardin régulier en creux ... plus ou moins creux ... travail sur le climat, sur le sol volcanique, sur le modelé et probablement quelque chose lié à l'hydraulique ... La structure est minérale, noire, dure...  J'avoue aisément que je me sens bien ignorant face à ce jardin et le besoin d'en savoir beaucoup plus est grand ... Je ne parle que trop rarement du bâti ... celui-ci est superbe ... du néo-je-ne-sais-quoi dans le pure style pré-Hollywoodien ... Je ne sais pas si c'est dû au froid ou à la truffade mangée la veille, mais j'ai cru apercevoir Robert Taylor, Alias Lancelot du Lac en quête du Graal, perdu dans une Auvergne un tantinet hostile par ce mois de novembre de l'an de grâce 2013 ... 

 Les tours et remparts de Château-Dauphin à Pontgibaud restaurés au 19e siècle par Jean-Bélisaire Moreau