mercredi 21 septembre 2022

Quel con ce héron !!! ...

Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.

(Jean de la Fontaine, 1668)

Héron sur les bords de la Marne

Voici presque  25 ans que j'ai quitté Matignon et l'envie de raconter des secrets d'Etat me démange ... 

L'histoire qui suit se déroule après le décès de la propriétaire de l’Hôtel de Castries, situé rue de Varennes, qui fut acheté par L'Etat en viager. L'hôtesse des lieux avait demandé que les animaux du jardin soient conservés... une histoire assez courante ... Il s'agissait ici de 2 ou 3 canards et de quelques poissons rouges dans le bassin. 

Tout se passait pour le mieux jusqu'au jour où survient un héron à jeun qui cherchait aventure. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour repérer les poissons, se posa et les avala avant qu'un menuisier de Matignon qui traversait le jardin puisse intervenir ... 

- Mince dit-il !!! 

Par le plus grand des hasards, je passais par là avec le responsable des immeubles de Matignon. Le menuisier raconte son histoire ! le fonctionnaire responsable cogite nerveusement, on devine aisément ce qu'il se raconte, qu'il va falloir prévenir au-dessus...  que  l'Etat a failli à ses engagements et qu'il va probablement se faire engueuler !! 

Tout à coup il sort de ses sombres pensées et nous dit avec rage ! 

"Mais quel con ce héron !!!" ...

samedi 5 juin 2021

Le marronnier de Notre-Dame, un marronnier sensible …

Tu vois, là il y a le Louvre, plus loin le Châtelet, la Tour Saint-Jacques, l'Hôtel de Ville et Notre-Dame ... Nom de Dieu elle brûle !!!
(Moi à une jeune stagiaire de province le 15 avril 2019)

 Le marronnier juste après l’incendie en juin 2019

Evolution de la parcelle au XIXe siècle – Cadastre napoléonien

Évolution de la parcelle au XIXe siècle – Cadastre napoléonien

Le square Jean XXIII avant et après restauration. La partie en abord de Notre Dame reste inchangée. Clichés IGN 1963/1965

Évolution des plantations autour de Notre-Dame de Paris

Ça c'est vraiment moi ! quand tous regardent les plantouilles cherchant désespérément à donner un nom... moi, je regarde au loin... quand tous regardent la flèche de Notre Dame partir en fumée au loin dans un ciel divin, je regarde l'arbre en dessous.

L'arbre en dessous est un marronnier on ne peut plus quelconque, un pauvre Aesculus hippocastanum que personne ne remarque en ce mois de juin 2019... Il est toutefois très très beau, à l'air en forme ... je suis surpris qu'il ne soit pas brulé ni chauffé par l'incendie. 

Les arbres qui touchent Notre-Dame sont sur une implantation différente et bien plus âgés que ceux du Square Jean XXIII .

Le Square Jean XXIII est divisé administrativement en deux parties, l’une est gérée par l’Etat (La cathédrale Notre-Dame) l’autre par la Ville de Paris. Le jardin (anciennement jardin de l’Archevêché) a été créé en 1837 après la destruction du Palais de l’Archevêché en 1831. Il est un des premiers jardins publics de Paris. 

Le Square Jean XXIII a été restauré par la ville de Paris en 1964, aucune intervention n’est visible dans parcelle qui borde la cathédrale et qui, semble-t-il, conserve les plantations du jardin de 1837.

L'analyse des nombreuses photographies de Notre-Dame nous permet de conclure que ce marronnier est de 1837 ce qui est quand même relativement rare à Paris.

Une des explications possibles à cet âge surprenant est son emplacement, il a évolué dans un espace abrité des vents dominants et n'a pas subi de néfastes travaux au sol ou des élagages systématiques ...bref, il a eu une vie relativement peinarde à part la période 1845-1860 pendant les de travaux de Violet le Duc  !!! 

La journée du 15 avril 2019 et ce raffut sur la flèche l'a un peu secoué ! "je suis bien plus vieux que la flèche " me dit-il au loin !!! ... il continue " la flèche ? dans 5 ans, elle est comme neuve, je suis vivant moi !!! si je brule, il faudra 100 ans pour me remplacer... et encore ..." . Un jour Victor (Hugo NDLR) m'a dit vers la fin de sa vie -Tu es l’âme de Notre Dame, tu es la réincarnation de Quasimodo !!! ... et d’Esméralda !!! - Mais oui ... c'est ça ... de Jean Valjean pendant que tu y es !!! ...

C'est une promesse que je tiens aujourd'hui ... rappeler à travers l' histoire rapide de notre ami que :

-   moins on s'occupe d'un arbre mieux il se porte ...Certes ! 

-  depuis le XIXe siècle, Notre Dame et ses arbres constituent un ensemble scénographique magistral dont l' intérêt patrimonial est plus qu'évident...Certes! 

-   en cette période de transition écologique intense, les arbres ont effectivement un rôle à jouer ... Certes!

Mais on oublie trop souvent que l'arbre a un cœur, qu'il est sensible, qu'il peut être parfois susceptible et que notre ami le marronnier aurait bien aimé que la presse dise un petit mot sur lui !!!

Notre-Dame de Paris, Estampe,  Jean-François Raffaëlli 1904




 


dimanche 17 mars 2019

Quiet desperation ...

Hanging on in quiet desperation is the English way
(Roger Waters, Time, The Dark Side of the Moon, 1973)

Parterres en pièces de gazon découpés et buis - Torre Alfina - Achille Duchêne 1906

Avec les deux derniers colloques sur les pathologies du buis (Tours en novembre) et celui d'Orléans le 14 mars 2019 organisé par mon amie Michèle Quentin (Association des Parcs et Jardins de la Région Centre) il est temps de s’installer dans un désespoir tranquille ... les compositions de buis vont petit à petit disparaitre des jardins ...
Les chercheurs sont en train d'échouer à trouver une solution rapide ... seule cette solution rapide pouvait sauver les compositions de buis... Depuis le début de cette histoire, les craintes venaient des champignons... la Pyrale représentait un danger pour les buis sauvages, mais le fameux " BT" (Bacillus thuringiensis), les pièges à phéromone, les trichogrammes devaient sauver le buis des jardins ... On a sous-estimé la Pyrale, on l'a prise pour une conne ... elle est apparue sous son vrai jour, cette bestiole est un cauchemar ... elle va sournoisement tout bouffer, non pas tout, d'après Jimmy Garnier et Léo Ledru, tous deux brillants mathématiciens, la pyrale garde un peu de buis pour pouvoir survivre... (je vous le disais, un cauchemar) ... S'ajoute à cela un ras le bol, une démission des gestionnaires dans ce combat qui semble inégal ... bref !!! les parterres de buis vont disparaitre ... Nous assistons dans un désespoir tranquille à la disparition d’une esthétique, non pas du XVIIe siècle mais du XXe siècle...

En 2015 j'écrivais "Penser que le jardin est foutu à cause de quelques buis malades c'est ignorer ce qui en fait la beauté, c'est réduire le jardin à des détails ... Bien sûr c'est traumatisant, on perd quelque chose, on pleure et il faut du courage, de la patience ... Il ne faut pas céder à l'appauvrissement en abandonnant ces parterres, il faut se rappeler que le parterre est une écriture du moment. Alors, il faut redessiner, recomposer réinventer ces parterres, [...] Avec de la chance (qui généralement sourit aux audacieux) et du génie nous en profiterons pour réduire les coûts de gestion et nous soulagerons nos vieilles colonnes vertébrales ... Mais surtout, nous réveillerons et nous sublimerons enfin nos parterres endormis. " Lien

C'est ce que fait le propriétaire de Vaux-le-Vicomte ... et je l'en remercie de me donner (malheureusement) raison ... J'étais présent quand Vaux avait invité le contrôle scientifique et technique du ministère pour demander l'autorisation d'arracher les buis des deux parterres ... Une situation incroyable où l'ensemble des gens, dont moi, ne trouvait rien à redire et se condamnait à dire "oui" ... en rentrant le soir je repensais à cette réunion hallucinante et doutais du bien fondé de ma réponse ... et si la science ... et si par miracle... et si ça se stabilise ... bref !! comme pourrait le dire Roger Waters "Hanging on in quiet desparation is the "gardener" way"