L'unité est le principe fondamental de la nature, ce doit être celui de tous les Arts. Dans tout ouvrage où l'attention se partage, adieu l'intérêt; il en serait ainsi que de plusieurs tableaux sur la même toile, ou de décorations disparates sur un même théâtre comme lorsque vous voyez à l'Opéra l'Enfer monter, tandis que l'Elysée s'abîme. Tous les objets qui peuvent être aperçus du même point doivent être entièrement subordonnés au même tableau, n'être que des parties intégrantes du même tout, et concourir par leur rapport et leur convenance à l'effet et à l'accord général.(René-Louis de Girardin, De la composition des paysages, ou des moyens d’embellir la nature autour des habitations en joignant l’agréable à l’utile. 1775)
C'est donc d'abord sur l'ensemble, ou le plan général, qu'il convient de réfléchir mûrement : les erreurs à cet égard peuvent imprimer sur tout l'ouvrage des taches ineffaçables. Avant de mettre la main à l'ouvrage, commencez par bien connaître le pays qui vous environne et par vous assurer du terrain nécessaire à l'exécution de votre projet. Gardez-vous de commencer par les détails et de vouloir conserver particulièrement des choses déjà faites si elles deviennent incompatibles avec la disposition générale; mais surtout ne manquez pas de faire vous-même ou de faire faire le tableau de votre plan.
C l. juillet 1905, Champs-sur-Marne : Le parterre d'Apollon - La vie à la Campagne 1er février 1906 |
Retour sur Champs ... Je comprends aisément ceux qui commencent à saturer de mes histoires sur Champs et vous aurez l'impression ici que je me répète un peu. Mais ... à peine terminé mes 12 épisodes sur Champs que je tombe sur cette photographie où l'on voit cette magnifique vue sur l'ancien jardin paysager (voir Deux ou trois choses que je sais d'elle ... Ep. 10 : Le temps est assassin ... du 30 décembre 2015 )
Cette photographie est prise en juillet 1905 et publiée dans La Vie à la Campagne en février 1906. On y voit hélas l'Orangerie de Champs construite par Walter-André Destailleur perturber la géniale et épurée mise en scène des Duchêne.
D'après Cl. juillet 1905- trafiqué par mes soins |
Peut être qu'un jour béni, je trouverai enfin une photographie de cet angle de vue sans l'orangerie ... mais je suis trop pressé pour attendre. J'ai donc effacé avec le divin Photoshop l'ineffaçable orangerie ... J'adore trafiquer images, plans et photographies historiques ... Je gomme, je colorise, j'ajoute ... j'ai l'impression de jardiner, de recomposer le lieu ... Je conseille à tous de faire pareil (pas sur les originaux) sans se soucier des historiens grincheux qui hurlent à la trahison vous traitant d'usurpateur, de faussaire voire de fils spirituel de Dodo la Saumure ... Je fais partie de ceux qui ont besoin de toucher la matière, ou de ce qu'il en reste, pour comprendre ... Je vous propose donc un avant/pendant/après 1905 à Champs ...
Voila donc à quoi ressemblait la vue vers l'ouest (ci-dessus) avant que notre ami Destailleur nous impose un pastiche du 17 ou 18e siècle en guise d'orangerie qui plus est, orientée à l'Est...
Cl. juillet 1905, seulement colorisé. |
... Pour dédouaner notre ami architecte, on peut aisément imaginer que c'est une demande du propriétaire certes... mais on n'est jamais obligé de donner une mauvaise réponse ... Si Girardin se tue à nous dire "C'est donc d'abord sur l'ensemble (...) qu'il convient de réfléchir mûrement : les erreurs à cet égard peuvent imprimer sur tout l'ouvrage des taches ineffaçables." c'est justement pour éviter cela ...
L'unité n'est plus et la tache ineffaçable est bien là ... et flagrante en comparant les 2 images (enfin moi je trouve) ... dans le genre déséquilibrer une composition parfaite, c'est du grand art ...
D'après Cl. juillet 1905, trafiqué par mes soins |