D’aucuns prétendent qu’il faut y mettre du charbon de bois tandis que d’autres le nient. Certains recommandent un peu de sable jaune, parce que, disent-ils, il contient du fer, mais d’autres le repoussent pour cette simple raison qu’il contient du fer. D’autres encore sont partisans du sable de rivière pur, d’autres de la simple tourbe et d’autre de la sciure de bois. Bref, la préparation de la terre à semences est un grand mystère et comporte des cérémonies magiques. Il faut y mêler de la poussière de marbre (mais où la prendre ?), de la bouse de vache de trois ans (ici, on se demande si cette indication d’âge se rapporte à la vache ou à la bouse), une pincée de terre de taupinière fraiche, de l’argile réduite en poudre prise dans une vielle étable à porcs, du sable de l’Elbe (mais pas de la Vltava), de la terre de bûcher vielle de trois ans et peut-être encore de l’humus de fougère dorée ainsi qu’une poignée de terre prise sur la tombe d’une vierge pendue ; il faut mélanger tout cela suivant les règles (les manuels de jardinage ne disent pas s’il faut le faire pendant la nouvelle lune, à la pleine lune ou pendant la nuit de saint Philippe et saint Jacques) ; et lorsque vous versez cette terre mystérieuse dans vos pots de fleurs ( trempés dans l’eau stagnant depuis trois ans au soleil et remplis dans le fond de tessons bouillis, mêlés à des morceaux de charbon de bois, ce qui du reste est nié par d’autres auteurs) lorsque vous avez fait tout cela, en observant des centaines de prescriptions qui diffèrent du tout au tout, ce qui rend singulièrement difficile cette cérémonie, vous pouvez vous attaquer à l’essentiel de l’opération, c'est-à-dire que vous pouvez semer vos graines…
(Karel Čapek, L’année du jardinier, 1929).
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