mercredi 21 novembre 2012

Martin col rouge ...

Ce faisant, Claire Bretécher redéfinit à sa façon la sorte de genre pictural qu'elle a nommé portrait sentimental. Il est possible qu'en France le genre se soit inauguré sans le savoir avec Mme Vigée-Lebrun peignant ses filles, avec sentiment précisément, et qu'on le croise chez bien des peintres majeurs du XIXe siècle, par exemple dans le portrait que fait Manet de sa belle-sœur, Berthe Morisot, saisie dans le deuil noir de son père ; on le suit, bien sûr, dans les portraits des enfants de Renoir et dans ceux de Pablo Picasso par leurs peintres de pères glissés entre mille autres toiles, dans les années d'enfance où ils les regardaient encore. Et sans doute le retrouverait-on, indépendamment de tout jugement de valeur, chez nombre de peintres amateurs. Mais, pour ma part, j'ai dû attendre Claire Bretécher pour rencontrer un peintre qui interroge le visage de son enfant plusieurs fois par an, des premiers jours à l'âge adulte, et qui borne son œuvre de peinture à ce genre de portrait. Les dix-sept portraits de Martin réunis ici, où l'auteur inscrit au long du temps dans l'image qu'elle en donne ce que les mots ratent et que la main sait retenir, forment un ensemble rare, hésitant entre l'appartenance au pictural ou au littéraire, ou plutôt ouvrant une voie à leur conciliation.
(Pierre Encrevé, Portraits sentimentaux, 2004)


Claire Bretécher, Martin col rouge, 1988 - Pastel
Pourquoi Claire Bretécher ? un jour, sur sa terrasse de Montmartre, je lui conseille d'enlever  quelques plantes afin de dégager une vue sur Paris ... Elle me répond : "Les vues sur Paris m'emmerdent" ... 

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