COMPOSITION D'ESPRIT
POSITIF
La disposition d'un Jardin d'utilité sont les bases d'un
aménagement dans la formule allemande moderne par M. Schubiger, à Uznach,
Suisse.
(M. Ammann, arch.)
Regardez le plan du
Jardin que M. Ammann, Directeur des Services d'architecture de Jardins de MM.
Frorbel, a étudié pour M. Schubiger, à Uznach, dans l'esprit de l'école
allemande moderne, et vous constaterez une différence notable avec la concept
en française du Jardin régulier.
Ici pas de recherche
d'une ordonnance d'ensemble, d'équilibre absolu et de correspondance, mais une
appropriation des différentes parties à toutes fins utiles, parfaitement comprise
pour le but auquel elles sont destinées.
Cette manière substitue
au principe de la composition, d'après des axes ou des centres, des
dispositions qui se raccordent mais qui ne sont pas forcément sous la
dépendance directe les unes des autres, encore que, dans ce plan, une ou deux
longues allées semblent constituer un lien. Elle n'est pas sans intérêt
cependant, car le souci du détail y est évident et l'exécution en est très
poussée. D'autre part, le côté pratique, utilitaire même, s'en dégage comme une
dominante, ce qui, sans rapprocher cette manière de la formule anglaise du
Jardin de Cottage, l'éloigne considérablement de l'esprit des Jardins réguliers
classiques français, où la parure domine. Les arrangements du Potager, du
Verger, comptent autant que ceux des parties de plaisance, exemptes de banalité
; le jeu des terrasses, avec leurs talus, leurs 4-K irs bas et leurs
emmarchements, est plein a imprévu.
L'ensemble de la
propriété s'inscrit dans le périmètre d'un trapèze diagonalement orienté du
Nord au Sud, et dont au Nord-Est s'allonge un coteau planté de Sapins, tandis
que le terrain s'incline vers le Sud-ouest. La Villa est bâtie dans la partie
la plus élevée au Nord; elle est ainsi abritée par le coteau et sa plantation
de Sapins. Sa façade principale regarde le Sud-Est, devant laquelle
s'échelonnent : un petit Parterre, formant une première plate-forme, un grand tapis
de gazon en contre-bas formant une seconde plate-forme, au bout duquel s'allonge
le Potager sur une troisième plate-forme. Devant l'autre façade regardant le
Nord-Ouest sont situés des serres et des châssis sur une terrasse parfaitement
abritée. Les autres dispositions du Jardin se succèdent du Nord-Ouest au
Sud-Est. C'est, d'abord, à gauche de l'allée d'arrivée, un grand tapis de gazon
avec, en contrebas, dans son prolongement, un Verger; et, près de la limite
Sud, une allée desservant le Potager et ses dépendances. A gauche, un tapis de
gazon forme un rappel à celui de droite, tandis qu'au second plan
s'échelonnent, à peu pres parallèlement à la direction de l'allée qui gravit la
pente en plan incliné, les compartimentations d'un Jardin de fleurs, d'une
Roseraie et de Plates-bandes — ces dernières s'allongeant à la base d'une
Pergola.
M. Ammann n'a cependant
pas fait fi des principes d'agencement si logiques d'autrefois. C'est ainsi que
l'arrivée et les abords de l'allée d'accès sont traités très sobrement jusqu'au
terre-plein de la Demeure. Les dispositions décoratives étant situées à
distance, si on les perçoit, on ne peut guère les contempler, les détailler. On
n'en a sans doute pas la révélation complète au cours de la promenade
ultérieure, mais au moins on a le plaisir de découvrir les particularités.
Voici comment furent successivement établis les
différents agencements de ce Jardin, exécuté sur
deux années, et dont le point de départ fut un
aménagement nettement utilitaire. Désirant agrandir son Jardin, qui comportait déjà deux dispositions de
Parterres, qu'encadraient une vieille palissade d'Ifs et une tonnelle devant sa façade d'arrivée, le propriétaire en étendit les
limites au Sud, afin d'y installer un Verger, un Jardin potager et de compléter
celui-ci par un emplacement pour les composts
et un pavillon destiné au rangement du matériel de jardinage.
La différence de niveau
donna l'idée à M. Ammann d'établir un mur
de soutènement entre le Potager et le
Verger, qui mettait ainsi le premier
en terrasse sur le second. Ce mur en façade, regardant le Sud-Ouest,
était parfait
pour établir des espaliers. Il couronna
l'allée supérieure en bordure de ce mur d'une tonnelle fermée le long du verger
et ouverte sur le côté qui regarde le Jardin potager. Cette tonnelle, qui se
relie au départ par un pavillon de treillage à celle devant la façade de la
maison, a comme aboutissement de plain-pied le premier étage du pavillon,
nécessaire pour le rangement du matériel. Ce premier étage forme un pavillon
d'Été, tandis que le dessous, encastré dans le mur de soutènement, s'ouvrant
sur le Verger, constitue la remise à outils. L'emplacement pour les composts
fut situé à l'angle Est. Ainsi le Parterre, qui avait déjà pour fond une
Tonnelle, reste visuellement séparé du Potager que la Tonnelle masque de la
maison, tandis que la nouvelle Tonnelle sépare le Potager du Verger.
Le Pavillon, ainsi situé
en terrasse sur le Verger, constituait un emplacement d'où la vue pouvait
découvrir ces deux Jardins utiles de légumes et de fruits, ce qui a motivé une
cour amusante et dallée, avec sa fontaine, dont une haie de Lilas empêcha la
vue de l'emplacement des composts. Afin que ces deux Jardins n'aient point une
apparence exclusivement utilitaire, les Plates-bandes en bordure des allées
principales furent réservées aux fleurs ; à gauche du Verger, on étendit une
esplanade de gazon dont la partie supérieure, en raison de la différence de
niveau, se trouve reliée par des talus avec le niveau des Parterres et de
l'allée d'arrivée.
Devant la façade
Sud-Ouest de l'habitation se succédaient les pelouses d'un vieux Jardin
paysager avec, et au Nord, le vieux Jardin potager. C'est tout cet ensemble
Glue le propriétaire jugea opportun d'aménager, l'année suivante, dans le goût
des agencements déjà réalisés, et dont il avait su juger l'effet.
Pour établir une
correspondance entre la partie à réaliser et celle exécutée l'année précédente,
de même que pour cacher les serres, M. Ammann étudia une autre
pergola-tonnelle, qui, au delà de la maison, semble la suite de la première,
encore qu'elle ne soit pas sur le même alignement. A cette terrasse, il adjoignit
un autre pavillon, traité d'une manière plus légère que le premier, et dont le
toit correspond avec celui de la maison d'une propriété voisine, qui se trouve masquée.
Ainsi, la façade Sud-Ouest ne la Demeure se trouve comme encadrée à distance
par deux longues ailes.
Comme le terrain de ce
côté était plus haut que celui de l'autre côté, que la première tonnelle était ouverte
vers le Jardin-Potager, la nouvelle fut ouverte face à l'Ouest, et sa paroi de
fond fut traitée en treillage serre pour mieux masquer les serres. Ce nouvel agencement
devait servir de fond aux Plates-bandes. Roseraie et Jardin de fleurs projetés
en contrebas sur trois plates-formes, stylisant et ordonnent la pente.
Tout le côté Nord-Ouest,
en limite de la propriété voisine, fut plante de Tilleuls tailles en rideau, et
devant la façade Sud Ouest de la maison fut établie une terrasse dominant le
grand tapis vert — terrasse qu'ombrage le grand Châtaignier. Au-dessous de la
nouvelle tonnelle se succèdent donc, sur trois plans différents, d'abord une
allée droite parallèlement bordée de plates-bandes fleuries, — aboutissant au
terre-plein haussé du pavillon — puis un Jardin de Roses, et un Jardin régulier
de fleurs que deux emmarchements font communiquer et qu'enclosent des parois
d'Ifs.
Ainsi, on a pu
agréablement répartir des Plates-bandes de fleurs annuelles, d'Azalées, de
plantes vivaces, etc. Deux rectangles assez larges, plantes de fleurs, dans le
sens de la longueur, séparent ces dispositions du grand tapis vert que coupe
l'allée d'arrivée, droite d'abord, puis légèrement courbée, bordée de haie de
Rhododendrons au-dessus desquels se haussent des arbres à haute tige.
Des coins de repos ont
été fort intelligemment aménagés ça et là, ainsi qu'il convient à notre époque,
où le Jardin n'est pas seulement conçu pour satisfaire le regard mais aussi
pour être habitable. C'est ainsi que l'allée droite, dans l'axe d'une des
serres, a comme aboutissement régulier un retrait en surélévation avec chaises
et bancs.
Les
dispositions tout à fait originales et très plaisantes de ce Jardin, la liaison
du Potager et du Verger avec les parties d'agrément sont originales et
plaisantes. et l'ensemble est tout à fait représentatif de la manière de voir
de M. Ammann. C'est un Jardin Moderne de bon aloi, aux lignes nettes, robustes,
souvent massives par ses architectures de pierres — un Jardin auquel s'ajoutent
des réminiscences, par ses calmes tapis verts, des verdoyants Jardins
d'Angleterre.
(La vie à la campagne, Les jardins d’aujourd’hui,15 mars 1914)
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