Le château de Maillard, à M. Auguste de Lantsheere, dans le Brabant, en Belgique, est une importante construction moderne, élevée il y a quelques années dans le style néo-gothique anglais, lequel se distingue du gothique français par plus de lourdeur et une prédominance des lignes verticales, surtout dans les fenêtrages.
Pour cadre, un vaste Parc dans l'esprit de ceux d'Angleterre : des bois, étagés sur un amphithéâtre de collines, ourlent d'une frange mouvante les prairies d'une charmante vallée dans le creux de laquelle luit l'eau d'un étang très allongé. Les chemins, dont le rôle principal est d'assurer les accès, s'effacent dans l'ensemble du paysage.
Le Château, lorsque M. van der Swaelmen fut chargé des arrangements du Parc, paraissait encaissé sur une partie assez plane, quelque peu à flanc de coteau; la façade principale regardait la Vallée ;la cour d'arrivée se trouvait presque adossée contre des masses boisées et le relèvement assez brusque du terrain, devant la façade latérale gauche (front Ouest), accentuait la dépression.
Aucun programme absolu ne fut tracé à l'architecte de Jardins, qui eut la liberté la plus entière de conception et d'exécution. On lui indiqua seulement le désir que l'ancien potager qui se trouvait à l'Est du Château fût aménagé en Jardin fleuriste à la Française avec Jardin d'Hiver Étant donnés le caractère du Château, sa situation, dans quel esprit devait être composé le Jardin? Celui-ci ne donnait aucune indication de style et appelait plutôt des dispositions robustes que M. van der Swaelmen conçut dans une manière personnelle, nettement empreinte de Modernisme. Par sa position, en l'absence de tout soubassement, et surtout en raison du relèvement direct du sol en amphithéâtre, à droite vers l'Ouest, le Château paraissait encaissé dans une dépression. D'autre part, lorsqu'on arrivait par l'allée d'accès qui aboutit à la Cour d'honneur, le Château se présentait de la manière la plus défavorable. Comme le point de départ de la composition devait être la mise en valeur du Château et l'agencement d'un cadre direct autour des façades, M. van der Swaelmen conçut un jeu de terrasses superposées au-dessous de la plate-forme-terre plein du Château, terrasses s'agençant avec leurs jeux d'escaliers et de talus en glacis très nets parallèlement et obliquement par rapport aux façades du Château.
Il estimait en effet que ce Château devait s'élever comme sur un piédestal que lui fournirait cette superposition de terrasses proportionnées à sa masse, avec un jeu de parallèles très allongées à différents plans et niveaux, (arêtes, haies, cordons, plates-bandes et allées ) créant une équivalence des lignes verticales de la construction.
L'architecte substitua les figures polygonales aux rectangles et aux formes classiques, reliées on non par des décrochements et des courbes. Ces lignes s'avancent en proue sur la vallée qu'elles dominent, cela en parfait accord avec la multiplication des biseaux très nets des glacis et des bastions. Tout ce dispositif en plan et vertical fut souligné, accusé même par des haies de Houx et des sujets d'Ifs taillés. Entre ces lignes très nettes, de larges plates-bandes furent établies, destinées aux plantes vivaces, dont le rôle est d'assouplir, pour satisfaire le regard, le sentiment de raideur que toutes les lignes et les formes géométriques pouvaient dégager, et de donner de la vie à cet ensemble aux lignes très arrêtées. Pour la même raison, de beaux arbres furent conservés et notamment un bosquet de Magnolias, qui est comme en emprise sur les terrasses et peut donner le sentiment que celles-ci ont été créées depuis longtemps. Comme le Château se trouvait assis en contrebas par rapport au côté droit, l'architecte a abaissé, à cet effet, fortement le sol sur le côté droit, de façon à entailler celui-ci de deux talus pour continuer de ce côté le jeu des terrasses; ainsi il obtenait le double effet de voir le Château se relever et d'accentuer au delà le mouvement de l'amphithéâtre, destiné à un agencement décoratif particulier nommé « le Mont des Roses ». Cet agencement particulier, formant en quelque sorte des cadences, il fallait assurer les accords par les divisions horizontales.
Quatre allées principales aboutissent au terre-plein du Château, une diagonalement à chaque angle devant la façade principale, les deux autres parallèlement à la façade d'arrivée, dans l'axe d'un dispositif de pièces coupées de gazon uni qui forme la Cour d'honneur. Cet agencement très original de la Cour d'honneur, dont le fond est occupé par les dépendances, peut cependant paraître déconcertant aux fervents traditionalistes de la hiérarchie des cours d'honneur, mais il reste en accord de caractère avec les dispositions générales. Le terre-plein, au même niveau que la cour, se développe contre les trois autres façades, en terrasse par conséquent sur les trois faces des agencements du Jardin, avec leur jeu d'emmarchement, parallèles ou obliques par rapport aux façades du Château. Devant la façade principale, un parterre inférieur, sorte de tapis de gazon à plate-bande axiale, dont les Ifs taillés de chaque côté scandent la déclivité de son plan incliné, accuse l'effet de proue en s'allongeant vers la vallée. Le Parterre inférieur se termine par un reposoir, sorte de chambre de fraîcheur close de haies d'Ifs sous l'ombrage opaque de grands Cyprès, avec une source jaillissante qu'une gargouille, surmontée d'une colonne marmoréenne, déverse dans un puits vénitien. Des bancs de style en marbre se succéderont dans l'hémicycle ayant comme paravent le cintre de la haie d'Ifs.
Le côté droit du Château, dont l'effet en amphithéâtre, fut accusé par l'agencement de la terrasse latérale, comme il vous est dit ci-dessus, fut planté de grandes masses de Rosiers pittoresquement groupés ayant l'apparence de croître à l'abandon. Leur arrangement fut conçu dans un parti pris de puissants effets de couleurs par des oppositions et des dégradations allant du jaune par toutes les nuances du blanc vers le rose, et toute la gamine des rouges. Vu du Château, et bénéficiant ainsi de l'heureuse disposition en amphithéâtre, cet arrangement ne manque point de caractère. Pour que l'on puisse jouir de cespec¬tacle de plus près, une allée droite, partant d'un rond-point de l'allée d'arrivée, conduit à un reposoir nommé « chambre parfumée », couvert et entouré d'une treille hémicirculaire de Rosiers à parfum.
L'ancien potager avait été primitivement affecté à un agencement de Jardin fleuriste dans l'esprit du 18e siècle ; mais, en raison de l'architecture néo-gothique de l'Orangerie préexistante, il a été conçu suivant une autre idée, dans un esprit plus en harmonie avec cette construction. Cet enclos est « comparti » en quatre rectangles clos de haies d'If s avec sujets taillés aux angles et traversés par deux allées en diagonale; il est réservé aux cultures de plantes pour la fleur coupée. Toutes les allées et compartiments sont sertis de Buis. Le Verger qui s'étendait au delà et ne comportait plus que de vieux arbres remarquablement pittoresques fut transformé en Wild Garden (Jardin sauvage dans la formule anglaise réservé aux plantes vivaces et bulbeuses rustiques par masses et en tapis). Cette transformation entraîne l'établissement de nouveaux Jardins : potager, fruitier, verger, serres, etc. De vastes prairies à l'anglaise entourées de lisses servent de pâturages aux bêtes à cornes qui animent le paysage d'une façon amusante. Dans le creux de la vallée, un étang allongé ayant la forme d'une rivière, fut creusé pour être vu du Château. Émaillé de Nymphéas, il s'étiole entre des berges revêtues de plantes aquatiques et d'Iris en abondance sur les gazons. Cette rivière comporte, en outre, un embarcadère formé de radeaux flottants couverts d'Iris japonais et amarrés à des « palis » à la vénitienne. Le barrage, situé à gauche, entièrement enveloppé d'Iris et de plantes aquatiques, soutient le bassin de natation, dont l'ensemble et les abords constituent un décor vu du pont.
Comme il sied à tout Domaine moderne, les aménagements pour les sports ont été compris comme devant jouer un rôle dans l'agencement général du Parc, de telle façon qu'on n'ait pas à les faire compter, et plusieurs des installations qu'ils ont motivées deviennent autant de sujets d'intérêt et de décor.
Les grandes étendues planes de gazon à l'anglaise (pleasure-grounds) qui s'étendent à gauche du Château furent affectées comme pelouses pour tous les jeux et les sports. Un circuit de golf à huit trous y est prévu, dont le départ du premier parcours et l'arrivée du dernier sont situés dans cette esplanade.
Dans ces pelouses s'encastre, en outre, le court de tennis, traité en creux dans un cadre de style Louis XVI avec promenoir extérieur. Il est entouré d'un treillage décoratif, destiné à soutenir les plantes grimpantes et des arbustes, Cytises et Acacias, dont les rameaux sont palissés. Un second cadre est formé dans une palissade de Tilleuls taillés formant écran contre les rayons du soleil, et un bourrelet extérieur très net est constitué par des Lauriers-Cerises taillés. Un couloir et une salle ronde encadrés dune palissade de charmilles font aboutir au Gymnase et au bassin de natation. Formant fond à ce dernier, et adossé aux rideaux d'arbres, sont prévues les cabines avec installations hydrothérapiques.
Ainsi donc, si ce Parc comporte des dispositions d'un caractère très personnel, M. L. van der Swaelmen a su également s'inspirer très intelligemment et mettre en œuvre avec originalité quelques-uns des agencements qui complètent si bien les propriétés d'Angleterre, et qui contribuent à faire du Parc de Maillard un des ensembles les mieux compris que l'on puisse voir en Belgique.
(La vie à la campagne, Les jardins d’aujourd’hui,15 mars 1914)
(La vie à la campagne, Les jardins d’aujourd’hui,15 mars 1914)
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