Un beau jour il vous arrive de planter vous même de votre propre main une fleur (dans mon cas, ce fut une joubarbe); au cours de l'opération, par quelque écorchure ou autrement, un peu de terre pénètre dans votre organisme et détermine une sorte d'inflammation ou d'intoxication; bref vous devenez un jardinier fanatique. Seule une griffe s'est engluée et c'est l'oiseau tout entier qui est pris. D'autres fois on devient jardinier parce qu'on est contaminé par les voisins; vous voyez par exemple chez votre voisin une plante magnifique et vous vous dites: « Au diable, pourquoi n'en aurais-je pas aussi? Et il ferait beau voir que chez moi elle ne réussît pas mieux! » Dès lors le jardinier s'enlise de plus en plus profondément dans cette passion nouvelle, alimentée par les succès et surexcitée par les échecs ultérieurs; la convoitise du collectionneur naît en lui, qui le pousse à cultiver toutes les plantes, en suivant l'ordre alphabétique depuis l'Acaene jusqu'à la Zauschnerie. Plus tard se développe en lui la passion de la spécialisation, qui fait d'un homme jusqu'alors réfractaire un maniaque exalté qui ne vit que pour les roses, les dahlias ou quelque autre plante. D'autres encore succomberont à la passion de l'esthétique et se mettront à transformer sans cesse, à changer, à modifier la composition de leur jardin; ils chercheront des harmonies de couleurs, ils transplanteront des touffes de plantes et bouleverseront tout ce qui pousse chez eux, excités par ce qu'on est convenu d'appeler l'inquiétude créatrice. Qu'on n'aille pas s'imaginer que le véritable jardinage comporte une activité bucolique et méditative: c'est une passion qui ne se peut assouvir, comme tout ce à quoi s'attache un homme sérieux.
lundi 13 février 2012
L'inquiétude créatrice ...
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