Les parterres de buis des plus fameux jardins du monde (rien que ça !)
sont menacés par le Cylindrocladium
buxicola, le Volutella buxi et
dans une moindre mesure par le Cydalima
perspectalis, plus connu sous le nom de la Pyrale du buis. Ces maladies
incurables pour l'instant créent un grand désarroi chez les propriétaires, les
jardiniers et les amateurs de jardins. Ces maladies font suite à deux grandes
maladies qui perturbent encore les jardins et aménagements verts : la graphiose
de l'Orme (Graphium ulmi) a
décimé la quasi totalité des ormes du territoire et le chancre coloré du
platane (Ceratocystis platani) n'a pas encore dit son dernier mot et devrait logiquement et sans état d'âme
coloniser le territoire européen... bref !! toutes ces maladies mortelles ...
c'est grave ... Grave pour la botanique, pour la biodiversité, c'est un choc affectif pour le propriétaire et le jardinier
qui doivent se résigner à se séparer d'un arbre, d'un alignement, d'une
broderie. Enfin c'est une problématique financière importante pour certains
jardins.
Mais ... ce n'est pas aussi grave qu'on veut bien le dire pour les
jardins ...
En avant propos, moi qui ai connu des catastrophes hortésiennes, je
préciserai pour éviter tout malentendu, que cette histoire de maladie qui
entraîne la fin de certains parterres de buis me rend bien évidemment très très
triste ...
Revenons à notre exemple du buis et pourquoi ce n'est pas aussi grave
que ça pour les jardins ...
En dehors de la panique affective et financière, que se passe t'il en
ce moment ? Déjà ... il y une confusion entre les champignons (Cylindrocladium buxicola, Volutella buxi)
et la bestiole (Pyrale du buis). S'il existe un espoir de traitement efficace
pour la pyrale, il est temps d'accepter le fait qu'il n'y aura aucun traitement
pour les champignons et que la solution, comme pour l'orme ou le platane, est
la recherche et la découverte d'un clone résistant ... processus qui, comme
chacun sait, prend des décennies avant d'obtenir un premier résultat.
De quels buis parlons nous ? Dans les jardins, il y a deux sortes de
buis : ceux qui servent à dessiner des broderies et les autres ... ces autres
sont conduits en haies, en palissades, en topiaires ou ont un port libre ...
Ici le débat est inutile, ces buis peuvent être remplacés par absolument
n'importe quoi d’autre ... de l'if au pittosporum et passant par le
charme, le Ficus benjamina voire
le Phytolaca dioïca ...
Pour les buis de bordure c'est une autre affaire ... Alors, on se
creuse les méninges, on épluche les catalogues afin de dénicher enfin la plante
présentant les mêmes caractéristiques que le buis (Ilex crenata, Lonicera nitida etc). Les historiens en herbe
viennent à la rescousse en nous rappelant qu'avant le buis, les bordures
étaient composées d'Hysopes, de thyms etc. bref !!! on cherche des plantes à
petites feuilles qui supportent la tonte, tout comme le buis. C'est une grosse
bêtise esthétique et financière. Esthétique parce que nous sommes dans
l'imitation (c'est un peu une redite du remplacement de l'Orme par
le Tilleul). Financière parce que je vous assure qu'une broderie de Lonicera
deviendra vite ennuyeuse et insupportable à la vue et qu'il faudra encore une
fois tout raser.
Cette démarche emprunte la route qui mène à la mauvaise porte d'entrée
du jardin. On cherche une solution par le végétal et non par le Projet ...
(avec un P majuscule)
Comme j’essaie laborieusement de le démontrer dans ce blog, il faut
aborder le jardin autrement que par le végétal ...
S'il y a un jardinier que j'aime, c'est bien celui du 19e siècle ...
jamais il ne se serait posé cette question "par quelle plante remplacer
suite à ... " il préférait plutôt se demander "de quelle manière vais-je faire évoluer mon jardin suite à .... " Il sait que toutes les
réponses sont dans le projet,... Rappelez vous l'anecdote entre Louis-Martin
Berthault et l'Empereur Napoléon 1er ce dernier souhaitant un jardin frais et
régulier à Compiègne, Berthault lui répond (approximativement) " Pour
avoir de la fraicheur dans un jardin régulier, il faut de l'eau ... je n'ai pas
d'eau, dès lors je ne peux que vous faire un jardin paysager produisant de
l'ombre". Le jardin régulier devient une impasse, la réponse ne peut être
technique, apporter de l'eau à Compiègne aurait été ruineux, comme il est
ruineux et inutile de replanter des buis sains dans un sol infesté par ces
champignons.
Le jardin du Palais Borromée à Isola Madre sur le lac Majeur ne se
réduisait pas au fameux Cyprès du Cachemire pourtant considéré comme le plus
bel arbre du monde et malheureusement terrassé par un coup de vent. Un jardin
ne se réduit pas à quelques arbres centenaires ...Un
jardin ne se résume pas à un parterre aussi beau soit t-il ... Prenez
Champs-sur-Marne, Breteuil, Courances ou Vaux le Vicomte, si l'on supprime les
buis du parterre et que l'on fasse un gazon (ce qui n'est pas la meilleure
solution) à la place, le parc reste le même - beau, grandiose, composé,
structuré, puissant, émouvant etc. ... Penser que le jardin est foutu à cause
de quelques buis malades c'est ignorer ce qui en fait la beauté, c'est réduire
le jardin à des détails ... Bien sur c'est traumatisant, on perd quelque chose,
on pleure et il faut du courage, de la patience ... Il ne faut pas céder à
l'appauvrissement en abandonnant ces parterres, il faut se rappeler que le
parterre est une écriture du moment. Alors, il faut redessiner, recomposer
réinventer ces parterres, ne pas se réduire à moins d'une dizaine de végétaux
et s'intéresser aux centaines de milliers qui peuplent la planète ... Avec de
la chance (qui généralement sourit aux audacieux) et du génie nous en
profiterons pour réduire les coûts de gestion et nous soulagerons nos vieilles
colonnes vertébrales ... Mais surtout, nous réveillerons et nous
sublimerons enfin nos parterres endormis.
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